Notre projet
Nous souhaitons sous la forme d’une série de traité théâtral mettre en exergue la mort d’un monde qui se décompose de l’intérieur. En pointant l’homme comme être de fiction et de culture, nous voulons faire apparaitre à quel point nous sommes des êtres naturellement et facilement manipulables.
À travers de grandes figures inspiratrices, nous cherchons à concrétiser la réalité de notre existence. Nous travaillons sur ce paradoxe : Prouver que nous sommes vivants tout en cherchant l’oubli de nous mêmes. Pour cela nous allons sur les traces de Marguerite Duras ou encore de Sonia Saviange et d’Hélène Surgère croisées dans le film « Femmes Femmes » de Paul Vecchiali.
Un jour j’ai rêvé d’être toi
Synopsis
Pour contrer la solitude et l’ennui Bert et Ange jouent la comédie, s’amusent, se font répéter et se mettent en scène. Bert est un homme qui voudrait être une femme, Ange est une actrice en mal de reconnaissance. Sur un ton léger, un rythme enlevé, on comprend que, petit à petit leurs rêves se sont fanés, les illusions envolées, mais que seule reste intacte la nécessité de jouer et de s’aimer.
Nous avons créer un tandem léger, absurde et jubilatoire s’approchant des couples beckettiens qui témoignent de la comédie humaine. Deux êtres naïfs qui pour conjurer l’ennui déversent un flot intarissable de paroles dérisoires et futiles et se noient dans des gestes quotidiens qui reflètent une autre réalité bien plus profonde, celle de leurs questionnements existentiels. Bert et Ange se complètent et s’assemblent, et se renvoient tel un miroir, l’image fantasmée d’eux-mêmes. C’est l’idée du double qui s’exprime selon nous par l’angoisse de savoir qu’on est incapable d’établir son existence par soi-même, l’angoisse de ne pas faire partie du réel. Mais les personnages découvrent qu’il est vain de rêver à être un autre, qu’il faut s’accepter soi même tel que l’on est. Notre pièce c’est l’enterrement des fantasmes qu’on aurait de soi et des autres.
Dans quelle mesure pouvons-nous, grâce à la comédie, supporter la réalité?
Faut-il se dédoubler pour se connaître soi-même ?
Etre soi-même est-ce être moi ou le reflet de l’autre ?
De la selfitude des choses dans un monde ultra narcissique.
Nous aimons jouer avec les codes de la représentation, et troubler le spectateur au point qu’il ne sache plus si ce qu’il regarde est vrai ou faux, à savoir si Bert n’est pas réellement Bertrand, et Ange Anais. Les codes sont brouillés mêlant la rêverie et la comédie à l’expérience vécue. Com- ment résister, comment survivre et appréhender la mort inéluctable? Comment sourire face à la mort? Transformer la mélancolie par le courage, le désespoir par l’espoir, le scepticisme par la foi et l’orgueil par la modestie. Pour nous, la vie est tendue constamment vers la comédie, elle s’accompagne d’un conflit permanent entre la conscience de la précarité de l’être au monde, de la fragilité du bonheur, et la certitude d’exister que procure la création qui l’emporte sur la dépossession et la mort.
Là ou je croyais être il n’y avait personne
Synopsis
Perdu au milieu de nulle part, il y a un bal. Dans ce bal, il y a Bertrand et Anais. Ils sont à la recherche d’une idole, et la trouvent en la personne de Marguerite Duras, qui semble habiter le bal inhabité. Petit à petit, les fantômes surgissent et sur les traces de Marguerite, Anais se perd au point que Bertrand se demande si Anais n’est pas en réalité Marguerite. Ils écrivent une histoire, à la façon de leur idole: C’est l’histoire d’une amoureuse, Donna qui n’arrive pas à mourir d’amour, qui va tout risquer jusqu’à tenter l’inconcevable : la perte totale de son identité. Elle est accompagnée d’un homme, Dieu qui est le témoin-amant, de sa descente aux enfers, de son auto- destruction.
Note d’intention
Parce qu’elle a vu la destruction du monde, parce qu’elle a vu l’homme détruit revenu des camps, Duras appel à la destruction du monde comme solution de l’humanité. Comment pouvons nous rationnellement envisager le chaos comme moyen de reconstruction ? À l’aube de catastrophes économique et écologique nous ne savons plus comment croire en un monde meilleur. Selon elle, la folie serait un refus extrême des modèles. Frôlant les limites de la vie, Marguerite Duras a touché la mort. Pour se reconstruire et renaître elle est passée par la destruction, allant jusqu’au bout de ses possibles.
« Que le monde aille a sa perte, qu’il aille a sa perte, c’est la seule solution » Le camion de Duras
Il nous faudrait donc résoudre notre « irrésolubilité », comme une bataille constante et quotidienne avec soi. Nous voulons nous inspirer du vide de nos existences pour en comprendre la moelle. Lacan voit dans le manque l’origine et la fin de toute existence. Nous sommes convaincu qu’en perdant le sacré, nous avons perdu des repères cruciaux à la construction de nos existences. Pour ré-apprendre à être humain, pour pouvoir faire des choix qui nous sont véritablement personnels il faudrait se libérer du savoir, des modèles, des gestes. Se libérer des autres, puisque selon Duras suivre des modèles, se consolider sur des références ne sert qu’à masquer nos propres peurs. On s’attache à ce qu’on connait déjà, trop lâche, de plonger en soi pour en sortir la substance inconnue. Duras écrit sous l’influence des auteurs américains, puis s’émancipe avec Moderato Cantabile et se débarrasse de ses maîtres Hemingway, Vittorini, Beckett. Désormais c’est à l’intérieur d’elle-même qu’elle puise les force pour écrire. Elle accomplit ainsi son virage vers la sincérité.
« Mystérieux est ce qui se met à découvert sans se découvrir » Blanchot
En décortiquant le personnage Duras, nous plongerons dans ses abîmes. Celle-ci nous fascine, de part sa liberté d’expression, sans moral ni bien pensance, elle dit l’innommable. Néanmoins, nous ne souhaitons pas faire un biopique. En attribuant des adjectifs à Duras pour la décrire, nous la limitons, nous l’emprisonnons, car elle est ceci et cela, sans être tout à fait ce qu’elle est, elle est ce qu’elle n’est pas, quelque chose d’imprécis où tout est vague. Personnage crée de toute pièce où il est difficile de démêler le vrai du faux. Et pourtant tout pourrait paraitre vrai quand on voit brûler chez elle ce désir de vivre et de lutter. Nous ne chercherons pas à la définir mais nous essayerons de parler d’elle comme elle écrivait elle-même. Nous l’invoquerons comme on appelle les fantômes, et tenterons d’incarner une partie de ce qu’elle a été. Nous retrouverons le sacré dans sa résurrection, et de la mort surgira la vie.